L’identité collective dépend du groupe qui la porte et non de ceux qui se donneraient mission de la lui accorder. En vertu de cette évidence, personne ne devrait s’interroger sur le droit d’un groupe à exister, ni remettre en question l’identité qu’il s’attribue. Ceci est valable pour les peuples comme pour les nations.
Que dire alors d’un groupe qui maintiendrait son identité exclusivement en opposition à un autre, avec la volonté à peine masquée de le remplacer?
N’en déplaisent à ceux qui les soutiennent aveuglément, les faits historiques sembleraient démontrer que c’est le cas du Peuple Palestinien.
Cette nation en devenir mérite, bien sûr, respect et compassion. Mais comment fermer les yeux devant l’intolérable stratégie qui, depuis des décennies, les conduit à détourner officiellement à leur profit exclusif tous les lieux saints du Judaïsme, depuis le Mont du Temple à Jérusalem, au caveau des Patriarches de Hébron?
Qu’une organisation mondiale telle que l’UNESCO se soit faite complice de telles pantalonnades, au risque de perdre toute crédibilité pour sa mission, ne fait qu’ajouter à l’affront subi par l’Histoire de l’humanité.
De la même manière, les partisans du B.D.S, seul mouvement international à prôner le boycott d’un pays tout entier et son principal fondateur, le Koweitien Omar Barghouti, n’hésitent pas à affirmer que le but du mouvement est la création d’un état palestinien binational sur toute la Palestine mandataire. Autrement dit, un état appelé à devenir musulman par renversement démographique, dans lequel les Juifs reviendraient à leur situation antérieure de citoyens de seconde zone. Des «dhimmis».
Le Père Patrick Desbois, que j’ai eu l’honneur de rencontrer pendant la seconde Intifada, évoquait déjà «la sécularisation de la théorie de substitution».
Mais, alors que l’universitaire d’extrême gauche Shlomo Sand reçut un accueil triomphal dans le monde arabe et parmi les antisémites occidentaux à la sortie de son essai «Comment le peuple juif fut inventé», tout questionnement sur les origines du peuple palestinien risque de provoquer davantage de grincements de dents.
Et pourtant.
Interviewé sur son identité palestinienne en mars 1977 par le quotidien hollandais Trouw, Zuheir Mohsen, alors l’un des principaux leaders de l’OLP répondit: «Il n’y a aucune différence entre les Jordaniens, les Palestiniens, les Syriens ou les Libanais. Nous faisons tous partie de la Nation Arabe… C’est uniquement pour des raisons politiques que nous mettons en avant notre identité palestinienne. Parce que c’est dans l’intérêt du monde arabe de soutenir l’existence des Palestiniens pour contrebalancer les Sionistes. Cependant, la création d’une identité palestinienne indépendante n’est que tactique. L’établissement d’un État Palestinien est une arme contre Israël et pour l’unité du monde arabe».
C’était, bien sûr, avant les accords d’Oslo.
Mais les interventions des dignitaires arabes allant dans ce sens sont nombreuses depuis. Pour n’en citer qu’une, le 21 août 2012, Fathi Hammad, ministre de la sécurité de la bande de Gaza, affirmait devant la télévision égyptienne: «Mes frères, la moitié des Palestiniens sont jordaniens, et l’autre moitié, saoudiens».
Tout peuple auto-proclamé a une histoire et celle des Palestiniens, souvent réécrite pour les besoins de la cause, s’inscrit dans un contexte qui gagnerait à être rappelé, pour tout amoureux d’une paix authentique.
Le premier nationalisme palestinien né en parallèle au mouvement sioniste, dans un cadre conflictuel avec «l’occupant» anglais, fut rapidement oublié à la naissance d’Israël par le reste de la planète, y compris le monde arabe, pour deux raisons.
La première: il avait été porté par un Nazi notoire, ami d’Hitler et de Himmler, complice de la Solution Finale, le grand Mufti Hadj Amine Al Husseini.
La seconde et sans doute la plus importante: l’ensemble des pays arabes, convaincus qu’ils ne feraient qu’une bouchée de l’état Juif naissant, refusèrent le plan de partage de l’ONU de 1947, qui aurait dû donner naissance à une Palestine indépendante, aux côtés d’Israël.
Cinq pays arabes attaquèrent la jeune nation, qui résista, remporta quelques victoires et survécut.
Cette première guerre eut plusieurs conséquences.
L’exode de six cent cinquante mille Arabes «ayant vécu depuis au moins deux ans en Palestine» ( selon la définition de l’UNRWA ) et leur établissement, à la charge de l’ONU, dans des camps insalubres par les pays avoisinants (Jordanie, Syrie et Liban notamment).
Celui de neuf cent mille Juifs spoliés, harcelés ou chassés des pays musulmans, dont près de six cent mille trouvèrent refuge en Israël.
Et la conquête puis l’occupation de la Judée-Samarie ( rebaptisée Cisjordanie ) par le royaume Hachémite, tandis que l’Égypte s’emparait de la bande de Gaza.
L’histoire de la Palestine aurait pu s’arrêter là.
Car les pays arabes limitrophes d’Israël avaient bien d’autres chats à fouetter que se préoccuper de ces malheureux réfugiés à la charge du monde occidental, citoyens de dernière zone qui leur fournissaient des troupes supplétives permettant de perpétuer le conflit avec Israël sous forme d’actions terroristes.
Citons sur ce point Richard Crossrrian, député travailliste anglais, repris dans Le Monde par Tibor Mendé, le 21 avril 1951: «Tant que nous compterons sur l’ONU pour faire quelque chose de sérieux pour l’établissement des réfugiés, nous ne ferons que nous leurrer, car l’ONU est une organisation politique. II y a la Ligue arabe et toute la politique de la Ligue arabe…! La Ligue arabe a besoin du problème des réfugiés pour maintenir la cohésion contre Israël…»
Dès son accession au pouvoir en 1952, Nasser n’eut qu’une obsession: devenir le leader incontesté du Proche Orient arabe par la fondation d’un panarabisme, dont l’Égypte prendrait la gouvernance.
Mais à partir de 1960, le Raïs allait essuyer de nombreux revers, rendant son projet improbable.
Echec de sa réforme agraire, méfiance de la Jordanie, opposition de l’Arabie Saoudite, furieuse de l’adhésion du Yémen à la RAU, croissance de l’influence des frères musulmans, rivalité avec Bourguiba…
Suite à des échecs répétés, Nasser eut impérativement besoin de redorer son blason.
C’est alors qu’il se souvint d’une cause largement oubliée, qui entre 1948 et 1956 avait eu pour principe fédérateur de masquer les divergences d’intérêts arabes.
L’antisionisme.
Le raïs s’est immédiatement tourné vers ses conseillers les plus experts en stratégie. D’anciens nazis et des membres du KGB (dont il a été révélé depuis que Mahmud Abbas faisait partie). Le souvenir encore vivace de l’extermination des Juifs d’Europe rendait la propagation de l’antisionisme difficile, surtout auprès de la gauche occidentale, à l’exception du parti communiste.
Il fallait avancer dans une direction qui permettrait de faire accepter cette cause auprès notamment d’une Europe traumatisée.
Le 28 mai 1964, se réunit à Jérusalem le premier Congrès National Palestinien, auquel, curieusement, aucun réfugié arabe de Palestine ne fut convié. C’est durant cette instance que s’est créée l’OLP, dont la direction fut confiée un peu plus tard au plus fidèle des proches de Nasser, un certain Mohammed Yasser Abdel Rahman plus connu sous son nom de guerre Yasser Arafat.
Arafat était né au Caire, avait combattu aux côtés des frères musulmans, mais son appartenance lointaine à la famille d’Hadj Amine Husseini en faisait un authentique Palestinien.
La charte de l’OLP, pour la première fois, remplaça le terme «Arabe de Palestine» par celui de «Peuple Palestinien».
Une nouvelle identité nationale était née.
Sa définition, d’après la charte reposait sur les concepts suivants:
«La Palestine est le territoire du mandat britannique qui constitue une unité territoriale indivisible… Le peuple arabe détient le droit légal sur sa patrie et déterminera son destin après avoir réussi à libérer son pays en accord avec ses vœux, de son propre gré et selon sa seule volonté… Le peuple palestinien désigne les citoyens arabes qui résidaient habituellement en Palestine jusqu’en 1947»
Il est à noter que, bien que déclaré caduque par Yasser Arafat, la charte de l’OLP n’a jamais été modifiée.
Puisqu’un Peuple venait d’être créé, il fallait expliquer les raisons de son inexistence matérielle, son manque de racines et de présence dans l’histoire et, évidemment, en accuser le sionisme, dont le seul objectif n’était pas l’autodétermination des Juifs sur leur terre ancestrale, mais bien la victimisation de leurs voisins.
La raison de tant de méchanceté? La reproduction par les Juifs, pour se venger, du sort qu’ils avaient subi dans les camps nazis, dont l’existence même était pourtant contestée comme une invention sioniste de plus.
Mahmud Abbas ne venait-il pas d’obtenir son doctorat d’histoire à l’Université de Moscou en publiant une thèse négationniste?
Mais le Moyen Orient n’est jamais à une contradiction près…
L’entreprise sioniste était définie par l’article 22 de cette même charte comme: «un mouvement politique, organiquement lié à l’impérialisme mondial et opposé à tous les mouvements de libération et de progrès dans le monde. Le sionisme est par nature fanatique et raciste»
Le ton était donné puisque, brusquement, le nationalisme Juif était dégradé au rang de force obscurantiste et colonialiste contre laquelle tout humaniste bien pensant devait s’insurger.
Attendu qu’Israël était défini comme pays «voyou», tous les moyens étaient admis pour le combattre et annihiler son intolérable projet expansionniste. Selon cette nouvelle narration, les Juifs n’avaient pas reconstruit leur nation sur les terres d’une région aride et quasiment laissée à l’abandon. Ils avaient volé un pays, la Palestine, dont les légitimes propriétaires vivaient désormais dans des camps.
La guerre de six jours, et la victoire écrasante d’Israël allaient apporter l’eau nécessaire à faire tourner le moulin de sa destruction progressive «par la diplomatie, si la guerre n’aboutit pas» pour en revenir une fois de plus à la charte de l’OLP.
En créant des zones tampon nécessaires à sa sécurité, Israël venait enfin de prouver sa nature colonialiste. Les attentats terroristes qui ensanglantaient l’État Hébreu depuis sa création, trouvaient donc leur justification.
La Palestine qui aurait pu voir le jour entre 1948 et 1967, ne fût-ce qu’en répondant positivement au partage décidé par l’ONU, ou tout simplement parce que la Jordanie et l’Égypte en avaient fait leurs territoires, devait maintenant exister à tout prix.
Lorsqu’Israël proposa la restitution des territoires qu’elle avait gagnés à l’issue de cette guerre de survie en échange d’une paix globale, ce fut pour se faire opposer les trois fameux «Non» de la ligue arabe, réunie le 3 septembre 1967 à Khartoum.
Non à la paix avec Israël, non à la reconnaissance d’Israël, non à toute négociation avec Israël.
Cette fois, pour de bon, le Peuple palestinien était né. Avec, pour conséquence, la multiplication des attaques terroristes contre Israël et les intérêts Juifs du monde entier.
À la Shoah, les Palestiniens opposèrent la Nakba. Face aux 6 millions de Juifs morts dans les camps, ils additionnèrent 6 millions de réfugiés. Le mur des lamentations avait déjà été renommé «mur Al Buraq». Un Juif né à Hébron, dont les ancêtres pouvaient être retracés sur des millénaires, était maintenant «un colon». Que dire alors de ceux d’immigration récente?
En 1976, peu de temps après la création de l’OPEP, le sionisme allait même être défini comme une «forme de racisme» par les Nations Unies, alors dirigées par l’ancien nazi Kurt Waldheim.
Les condamnations se sont depuis multipliées, sans tenir compte un seul instant du fait que, s’ils avaient vraiment voulu un pays, les Arabes de Palestine l’auraient eu depuis longtemps.
Et, certes, face à cette situation aberrante, et déchiré par des conflits politiques intérieurs, les gouvernements israéliens successifs ont commis à leur tour toutes les erreurs possibles, comme s’ils avaient besoin d’offrir à l’ennemi les bâtons qui serviraient à les battre.
Mais, pour citer l’ancien ministre israélien Golda Meir: «On ne peut pas et on ne doit pas changer le passé parce qu’il ne répond pas aux exigences du présent»
Pour que le peuple palestinien obtienne son autodétermination, il faudra qu’il commence par renoncer à détruire et remplacer Israël. Mais le musée de l’histoire palestinienne récemment construit à Ramallah reste désespérément vide.
À moins de considérer Moïse et le roi David comme des ancêtres de Mahmud Abbas et d’Ismaël Haniyeh.
Origine de l’article : Figarovox
http://www.lefigaro.fr/vox/economie/2017/07/13/31007-20170713ARTFIG00372-pierre-rehov-pourquoi-l-etat-palestinien-n-a-toujours-pas-vu-le-jour.php